Un classique bien actuel
Pour sa mise en scène de Nathan der Weise, Nicolas Stemann a demandé à l’écrivain Elfriede Jelinek d’écrire un texte, et le confronter au chef-d’œuvre de Lessing, éloge classique de la tolérance religieuse. En résulte une pièce de théâtre qui explore la tolérance et l’idéalisme propres à notre temps, sur la violence contemporaine et les réactions européennes suite aux attentats de Charlie Hebdo et du Bataclan.
« La maison brûle – mais cette nouvelle bâtisse d’idées éclairées, celle que Lessing et son Nathan veulent construire en lieu et place de l’ancienne qui a brûlé, a tout de même une cave. Et qu’y trouve-t-on ? Qu’a-t-on caché dans les tréfonds – au nom de la Paix ? Que se passe-t-il dans l’ombre des Lumières ? »
Crassier / Bataclan
« Elfriede Jelinek, Prix Nobel de Littérature 2004, a écrit Crassier – Drame Secondaire à Nathan que j’ai créé à Hambourg en 2009. Pour cette mise en scène à Vidy, puis en tournée, l’auteure a complété sa pièce d’un texte écrit suite aux attentats de Charlie Hebdo, de l’Hyper Cacher et du Bataclan – un texte que nous créons donc ici aujourd’hui.
Dans ces textes, Jelinek confronte le monde des Idées de Lessing aux réalités concrètes qui font nos relations sociales.
Jelinek le fait avec sa méthode propre du monologue à plusieurs voix, grâce à laquelle elle varie et démonte des citations du texte de Lessing, les confronte au présent et les déroule jusqu’à l’absurde.
Pourquoi est-il tellement plus simple de se vouer à la haine porteuse d’identité plutôt que de se consacrer au rapprochement ? Que reste-t-il des idées des Lumières après des siècles de guerres et de meurtres de masse au nom d’une soi-disant humanité (blanche) éclairée – jusqu’à cette lutte de la démocratie contre la terreur derrière laquelle se larve la guerre pour le pétrole et les terres au Moyen-Orient ?
Pleine de désespoir, Jelinek se moque autant de la folie sanguinaire des religions monothéistes que des idées et de l’humanisme des Lumières qui se sont coagulés depuis longtemps en un instrument d’oppression déguisé. »
— extraits « Note d’intention »
par Nicolas Stemann, septembre 2016 (trad. Mathieu Bertholet)
Photo © Samuel Rubio